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Entraineurs face au tribunal des réseaux sociaux
Être entraîneur d’une équipe de haut niveau c’est porter sur ses épaules le poids d’attentes immenses : celles du club, des partisans, des sponsors, des médias… et aujourd’hui aussi celles des réseaux sociaux. Ces derniers ont transformé la manière dont les entraîneurs sont perçus, commentés, jugés. Même ceux qui choisissent de ne pas y être présents se retrouvent exposés malgré eux : les critiques et les commentaires circulent, sont relayées, les infos transformées. Et ils finissent toujours par arriver jusqu’au coach.
J’entends souvent mes clients me dire : « Je n’ai pas de compte, je ne lis pas, mais je sais très bien ce qui s’y dit. » Parce qu’un ami en parle, parce qu’un journaliste relaie une réaction, parce qu’un partisan interpelle directement. Dans un monde connecté, on ne peut malheureusement pas se cacher complètement de l’opinion publique. Et quand les résultats ne suivent pas, cette opinion devient particulièrement dure : tout le monde est entraineur pro et sait mieux que l’entraîneur ce qu’il fallait faire.
En tant que superviseure, je constate à quel point cette pression est destructrice. Les entraîneurs vivent déjà avec une responsabilité extrêmement forte : gérer l’effectif, faire les « bons » choix, répondre aux objectifs. Quand s’ajoute la sensation que des milliers de personnes jugent chaque mot, chaque geste, la fatigue mentale devient énorme.
Phil Neville, ancien sélectionneur de l’Angleterre féminine et entraîneur en MLS, déclarait que la pression des réseaux sur les entraîneurs était « hors de contrôle ». Selon lui, il est devenu presque banal qu’un entraîneur soit publiquement réclamé à la démission après une seule défaite. Plus récemment, Bruno Irles, alors coach des Girondins de Bordeaux, évoquait la « génération réseaux sociaux » et décrivait cette pluie de critiques répétées, semaine après semaine, qui use même les plus résistants.
Ces témoignages rejoignent ce que je vois en supervision : les réseaux sociaux sont une caisse de résonance, où les jugements se multiplient, où les critiques se normalisent, où l’entraîneur se retrouve exposé au-delà du raisonnable.
Face à cette réalité, nos séances deviennent des espaces de respiration. Nous travaillons plusieurs points clés :
- Déposer la charge émotionnelle et la réguler : offrir un lieu où l’entraîneur peut dire ce qu’il ressent sans crainte d’être jugé. C’est un fait, la parole libère et allège.
- Reprendre la main sur ce qui est contrôlable : on ne peut pas maîtriser les réseaux, mais on peut agir sur son travail, sa préparation, son mode de communication.
- Se réancrer dans son identité professionnelle : se rappeler ce qui définit sa valeur en dehors du dernier résultat. Les compétences, l’expérience, les réussites passées, la vision …
- Mettre des limites : apprendre à ne pas répondre à tout, à filtrer, à créer des temps de déconnexion. Se protéger, ce n’est pas fuir, dans certains cas c’est vraiment survivre !
- Travailler avec des pairs : travailler en supervision collective, c’est se rappeler que l’on n’est pas seul à subir cette pression, les entraineurs me font très souvent ce retour.
Ce qui frappe, c’est la facilité avec laquelle la critique s’exprime. Un clic, un commentaire, un post, … et l’entraîneur devient la cible. Mais derrière chaque décision se cache la réalité : des blessures, des choix stratégiques complexes, des compromis financiers, des dynamiques de groupe, … Réduire tout cela à une phrase assassine sur les réseaux est une injustice profonde.
Je crois que ce que les entraîneurs espèrent ce n’est pas d’être épargnés. Mais d’être soutenus. Le soutien, ce n’est pas l’absence de critique, c’est la reconnaissance de la complexité de leur mission. C’est aussi la conscience que l’entraîneur est un être humain, pas seulement un résultat ou un tableau de scores.
Même si les réseaux sociaux font désormais partie du paysage et ne disparaîtront pas, il est possible de leur redonner une juste place. S’autoriser à créer des espaces d’accompagnement, comme le font les joueurs : les coachs en ont tout autant besoin et droit. Les clubs, les Fédérations, les associations de coachs, doivent permettre ce soutien pour rester dans les meilleures conditions possibles.
N’oublions pas : la performance durable n’existe pas sans bien-être, et prendre soin de soi en tant qu’entraineur, c’est aussi prendre soin de son équipe, au service de sa performance.