J’ai lu récemment un article de presse dont le sous-titre était : « Le coaching par les mots ». Cela m’a questionnée : et qu’en est-il de tout le reste ? Ce que le coach dit compte évidemment. Mais ce qu’il montre, inspire, ou incarne au quotidien peut être tout aussi...
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« Une saison, c’est long » : voyage à l’intérieur du cerveau du coach
Cette semaine un coach m’a partagé : « Une saison c’est long », une phrase que j’entends bien évidemment très régulièrement. Bah oui. Parce que … une saison c’est long ! Il s’en passe des choses dans une saison ! Elle s’étire sur des mois, remplie de succès, d’échecs, de contretemps, de blessures, de pics d’énergie et de moments de doute. Un début de saison ne peut augurer de l’issue d’un championnat.
J’avais envie cette semaine de pointer que le cerveau a des raisons biologiques précises pour lesquelles la motivation, la performance et l’humeur varient sur plusieurs mois. Si l’on observe la saison avec un regard neuroscientifique, on découvre que le cerveau n’est pas conçu pour tenir naturellement la distance. Il fonctionne avec des circuits de récompense à court terme, il cherche à économiser l’effort et il s’ajuste en permanence aux signaux de nouveauté, de réussite et d’incertitude.
Comprendre ces mécanismes permet d’anticiper les hauts et les bas, d’optimiser l’entraînement et surtout de prévenir l’épuisement.
🔹Le cerveau au début de la saison : la dopamine, moteur du lancement.
Le début d’une saison est une phase d’euphorie cérébrale. Tout est nouveau : l’effectif, les objectifs, les promesses de progrès. Cette nouveauté active intensément le système dopaminergique, véritable moteur de la motivation. La dopamine n’est pas la « molécule du plaisir » comme on l’a longtemps cru, mais plutôt celle de l’anticipation de la récompense. La dopamine nous pousse à agir, à explorer, à apprendre. Lorsque l’on fixe un objectif (par exemple, améliorer la cohésion d’équipe ou viser une montée en division supérieure) le cerveau évalue inconsciemment le rapport entre l’effort à fournir et la récompense espérée. Si la récompense paraît atteignable, la dopamine augmente et nous pousse à passer à l’action.
Mais la dopamine est aussi un « signal d’erreur de prédiction de récompense » : elle monte si le résultat dépasse les attentes, et chute s’il déçoit. C’est un système d’apprentissage : après chaque victoire ou défaite, le cerveau met à jour sa carte des probabilités.
C’est ainsi qu’un début de saison prometteur peut enflammer la motivation mais aussi que quelques contre-perf peuvent la faire vaciller.
Le cerveau apprend vite. Et parfois trop vite.
🔹La saison s’étire : l’usure motivationnelle et le « discounting temporel ».
Avec le temps, les effets de la nouveauté s’estompent. Les séances se répètent, les objectifs paraissent lointains, la fatigue s’accumule. Le cerveau applique une logique implacable : + la récompense est éloignée dans le temps, moins elle a de valeur. Ce phénomène s’appelle le « temporal discounting » (la dévalorisation temporelle).
C’est donc + difficile de maintenir une motivation constante sur des objectifs distants (comme la fin de saison) que sur des récompenses immédiates. Le coach ressent souvent cette inertie mentale : même avec un plan clair, il peut devenir + difficile de mobiliser le groupe, d’entretenir la tension, ou simplement de rester soi-même engagé émotionnellement.
Les neurosciences montrent que le cerveau a besoin de boucles de récompense rapprochées pour maintenir l’élan de début de saison. Autrement dit, il faut offrir à la dopamine de quoi se nourrir régulièrement. Cela passe par la mise en place d’objectifs intermédiaires, de repères tangibles, et de signes visibles de progrès. Car chaque micro-succès réactive le circuit de la récompense et ravive l’énergie collective : une victoire sur un match important, une amélioration technique, un retour de blessure bien géré.
🔹Le cerveau préfère le concret et le proche : la puissance des « boucles courtes ».
Le cerveau adore les feedbacks rapides. Lorsqu’une action produit un résultat immédiat, même tout petit, le système dopaminergique s’allume et renforce la connexion neuronale liée à cette action.
C’est comme cela que nous apprenons, que nous persévérons.
Dans une saison sportive, cette réalité biologique peut inspirer une approche plus fine de la progression. Plutôt que de penser en termes de « grands objectifs », il est souvent + efficace de découper la saison en micro-cycles de progression : 2 à 6 semaines, avec des objectifs précis, mesurables et atteignables. Cette approche, issue à la fois des sciences de l’entraînement et des neurosciences cognitives, permet de maintenir le cerveau dans un état de motivation active. Chaque cycle devient une petite histoire avec un début, un milieu et une fin, et le cerveau humain adore les histoires : il y trouve du sens, une tension narrative et la satisfaction de l’issue finale.
À la fin d’un cycle, le sentiment d’accomplissement génère un « pic dopaminergique » qui renforce la confiance pour le suivant.
🔹Transformer la régularité en habitude : la voie du cerveau économe.
À mesure que la saison avance, le cerveau cherche à économiser l’énergie cognitive.
Il transforme certaines actions répétées en habitudes automatiques, pilotées par les ganglions de la base. C’est un processus d’optimisation : ce qui demandait autrefois un effort conscient devient routinier. Pour le coach, c’est une donnée précieuse ! En structurant des rituels d’équipe (échauffements codifiés, routines de récup, débriefings courts) il installe des automatismes qui libèrent de la charge mentale. Cela protège la motivation sur la durée : moins d’effort décisionnel, et + de fluidité.
Mais attention, cette automatisation a un revers : si les routines deviennent trop rigides, la vigilance décline. L’enjeu est donc de maintenir un équilibre entre stabilité et nouveauté : assez de repères pour sécuriser, assez de variations pour stimuler. Le cerveau aime l’ordre mais il a besoin de surprise 😉
🔹Le cerveau du coach : stress, charge émotionnelle et vigilance cognitive.
Le coach, lui aussi, vit la longueur de la saison ! La gestion des émotions, la pression du résultat, la responsabilité vis-à-vis du groupe activent les circuits du stress chronique : l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien libère du cortisol (connue sous le nom « hormone du stress »), utile pour l’action à court terme, mais dramatique s’il reste élevé sur la durée.
On le sait, le stress prolongé altère :
- La qualité du sommeil (et donc la récupération cognitive),
- La mémoire de travail (donc la prise de décision),
- Et surtout, la régulation émotionnelle (la capacité à rester lucide dans la tempête).
De récentes études sur les coachs de haut niveau montrent que l’épuisement psychologique (burnout) est un risque réel et sous-estimé. Souvent, les coachs prennent soin de la charge physique et mentale de leurs joueurs mais oublient la leur ! Or, un cerveau épuisé ne perçoit plus les nuances, se replie sur des automatismes, et devient plus sensible aux biais cognitifs.
Tenir la distance, c’est donc aussi apprendre à se ménager des zones de récupération mentale : moments de silence, moments perso, supervision.
Une saison, c’est une traversée cérébrale ! Dire « une saison c’est long », ce n’est pas se plaindre. C’est juste exprimer la réalité biologique et émotionnelle du temps long. C’est accepter que la motivation n’est pas un état stable, mais une alternance de hauts et de bas que le cerveau tente d’équilibrer.
Une saison réussie, du point de vue du cerveau, n’est pas celle où la motivation reste constante.
C’est celle où l’on a su organiser les conditions pour que les fluctuations soient gérables.